Chez Ce Que Mes Yeux Ont Vu, on active souvent des performances. La performance, c’est un langage esthétique qu’utilisent les artistes depuis les années 60. Au lieu d’utiliser la peinture ou le marbre, ils utilisent leur corps. Il n’y pas de répétition mais une préparation, un protocole d’exécution de la performance. Une fois réalisée, il en reste l’expérience de l’artiste et celle des regardeurs, des photos et parfois des vidéos. L’objectif ne réside pas dans le résultat mais dans le processus de travail. Nous sommes donc parties à la Biennale de Venise pour participer à deux performances. Souvent les artistes font appel à des performers pour compléter leur performance. C’est le cas de ce sculpteur et performer nigérian Jelili Atiku pour « Mama Say Make I Dey Go, She Dey My Back ». Nous avions peu d’informations avant d’arriver, mais des consignes assez précises sur les tâches que les 72 femmes, dont nous faisions parties, allaient devoir faire.
Jelili Atiku, artiste engagé au Nigéria, défend la cause des femmes dans son pays mais plus largement de manière universelle. Nous avons donc toutes enfilé une robe longue en lamé doré et rose, digne de la Reine des Neiges.
Finalement, c’est assez beau, 72 femmes venues du monde entier, d’âges et d’horizons différents, en princesses d’une heure. Personne ne se connait, on est toutes là pour la même chose, participer à l’action d’un artiste présenté dans l’une des plus grandes manifestations d’art contemporain. C’est grisant. Il pleut sur la Sérénissime depuis quelques jours, mais Jelili est venu avec son chaman. Alors le soleil fait son apparition pour nous guider vers le bassin de l’Arsenal. La horde de robes longues que nous formons fait un effet féérique sur les visiteurs interloqués de la Biennale. Alors que nous sommes toutes en ligne, l’artiste, affublé d’une coiffe en bois, nous donne à chacune une statuette en bronze, puis une calebasse en bois avec de la terre, que nous irons plus tard mouiller avec l’eau de Venise à bord d’une barque. Une fois revenues sur la rive, Jelili nous guide sur son cheval blanc vers l’Arsenal. Chaque statuette est alors accrochée sur un arbre clouté. Chaque calebasse est entrelacée l’une à l’autre. Nous sommes toutes liées à jamais par cette expérience solaire bénie par l’eau de la lagune.
Pour voir l’intégralité de la performance : https://www.youtube.com/watch?v=HksbgVJ5KuE