The Wreck ou l’incroyable aventure
Treasures from the Wreck of the Unbelievable – Damien Hirst
Il faut déjà un peu de temps pour se souvenir du titre de la dernière exposition de la Fondation Pinault à Venise. Une épave, The Unbelievable, des trésors, Damien Hirst. On peut s’attendre à tout – sauf peut-être à ce qui nous attend. L’entrée de la Fondation au Palazzo Grassi est toujours impressionnante par son atrium en marbre, qui a été investi par Maurizio Cattelan et ses gisants, ou encore Jeff Koons et son ballon en forme de cœur. Cette fois-ci, c’est un colosse sans tête de 18 mètres qui nous accueille. L’effet est saisissant. Il est grand, il a l’air lourd (il est en fait en résine ;-)), il est fort. A partir de ce moment-là, Damien Hirst, le bad-boy de l’art contemporain, nous embarque dans les profondeurs d’un mensonge auquel on a envie de croire autant qu’à la Petite Sirène.
Un film montre aux visiteurs comment une équipe d’archéologues plongeurs a découvert l’épave de ce navire – The Unbelievable – qui transportait des tonnes d’œuvres d’art, comme un musée flottant de notre civilisation. Tout est là : le film à lui seul nous dit tout du génie de Damien Hirst. Il reconstruit ce qu’il faut de vérité et introduit ce qu’il faut de mensonge pour nous donner à voir la déchéance d’une civilisation. Chaque image donne l’illusion du vrai : l’angle de prise de vue, la lumière donnant l’impression de ne pas avoir été travaillée, les commentaires. Pourtant, un détail, un mouvement de ce qu’il nous montre nous indique que c’est monté de toutes pièces.
La découverte de ces pièces sorties des abysses de la mer au travers des salles nous le confirme. Damien Hirst repasse tous les canons de l’art : le colossal, le beau, l’étrange… Le visiteur navigue entre ses propositions dérangeantes et attrayantes. Les références aux artistes et à l’histoire de l’art sont prolifiques. Mais il aborde aussi les maux de notre temps : la crise écologique, la crise migratoire… Certains y voient du vrai, d’autres ne sont pas dupes. Beaucoup hésitent. Tout roule, et puis ça coule. Arrivée face à une sculpture de Pluto. Quelques artistes ont déjà utilisé des personnages Disney dans leur travail. Oui mais ce Pluto est recouvert de coquillages, entièrement. Comme envahit par les mers. Comme pour nous masquer Pluto. On se demande alors pourquoi ne pas afficher l’anachronisme le plus frappant clairement.
La Punta della Dogana propose aussi une partie de l’exposition. Tout y est plus grand, plus voyant, plus violent aussi. On se lasse un peu. Et puis au premier étage, une photo. Une photo d’atelier d’artiste en noir et blanc. On nous fait croire qu’elle date, l’artiste caché à moitié est en costume (ou est-ce le collectionneur ?). Au mur des toiles de maîtres qu’on pense reconnaitre sont disposées pêle-mêle. Elle nous replonge, cette photo, dans cette réalité mensongère, celle qui nous entoure. Tous les jours, tout le temps.